L'hygiène dans la nature : comment ça se passe ?

Dans son livre "Le guide de la survie douce en pleine nature", François Couplan, ethnobotaniste de réputation internationale, rassemble tout ce qui est sa raison de vivre et sa passion, un vrai mode d'emploi maintes fois éprouvé pour survivre en milieu naturel. Ici, il nous donne des conseils sur l'hygiène dans la nature.

Bien se porter dans la nature

Dans la nature, je suis chez moi. Je m’y sens bien. Je sais me protéger du mieux possible des éléments, car toutes les journées ne sont pas chaudes et ensoleillées, je sais me déplacer d’un point à un autre, dormir correctement quel que soit le temps, me nourrir de façon copieuse et agréable, m’émerveiller devant mes rencontres végétales, animales, minérales et le faire partager aux autres. Mes besoins sont réduits à leur minimum, et tant que je suis juste au-dessus de la limite entre confort et inconfort, c’est vraiment très agréable. Je perds ainsi moins de temps à satisfaire mes besoins et mon esprit est plus libre. Je ne perds pas pour autant contact avec mon corps, qui se rappelle à moi de multiples façons, ce qui est normal. Et le culturel n’est jamais loin. Voici donc quelques propositions concernant l’hygiène dans la nature. Et nous verrons ensuite comment résoudre les petits soucis auxquels vous pouvez vous trouver confronté.

Mes besoins sont réduits à leur minimum et, tant que je suis juste au-dessus de la limite entre confort et inconfort, c’est vraiment très agréable.

1 | Les gestes du quotidien
Vivre en pleine nature ne consiste pas qu’à marcher et à cueillir, à s’extasier devant la beauté des éléments, à cuisiner et à dormir. Comme dans « la vie de tous les jours », il faut penser à se laver, aller aux toilettes, prendre soin de ses vêtements, etc. C’est là, souvent, que l’on peut ressentir un certain inconfort, principalement dû au manque d’habitude. Entraînez-vous avant le départ !

Faire sa toilette
En vivant dans la nature, vous aurez moins besoin de vous laver qu’en ville. Il s’agira davantage de transpiration et de poussière de terre que des résidus de pollutions urbaines qui peuvent donner l’impression de se salir dès que l’on sort dans la rue – et le rebord des fenêtres le confirme. N’hésitez pas à vous tremper dans l’eau chaque fois que vous le pouvez. En plus d’éliminer la transpiration, c’est agréable, défatigant et revitalisant, en particulier l’eau blanche des torrents chargée en ions négatifs, même si l’on peut parfois la juger un peu fraîche.
Le savon est généralement inutile, mais s’il vous en faut, préférez le savon de Marseille aux savonnettes parfumées. Faites très attention à ne pas polluer l’eau : ne vous savonnez jamais dans le cours d’eau, mais à côté, et rincez-vous avec l’eau d’une grande gamelle, voire d’une gourde, suffisamment loin pour que l’eau
savonneuse ne s’écoule pas dans le torrent, le lac ou la rivière. Il en va bien sûr de même si vous employez du shampooing. On aurait d’ailleurs trop tendance à se savonner à l’heure actuelle : n’oubliez pas que la peau sécrète une mince couche de graisse protectrice qui contient des substances de défense de l’organisme. Se laver de façon excessive avec du savon la détériore et peut provoquer des problèmes.

Les bains de boue
L’un de mes grands plaisirs dans la nature est de prendre des bains de boue. Il faut pour cela choisir un cours d’eau dont les bords sontcouverts d’une argile fine déposée par les crues. Les Alpes du Sud sont exemplaires en ce sens, car une grande partie du terrain est constituée de marnes. Ces mélanges en quantités variables de calcaire et d’argile sont très friables et se désagrègent facilement lors des violents orages qui forment la majorité des précipitations estivales. Les particules les plus lourdes restent à proximité, constituant les vastes « roubines » grises si caractéristiques du paysage – les géologues parlent, de façon imagée, d’un relief « en dos d’éléphant ». L’argile, de couleur foncée, est emportée par l’eau qui ruisselle et forme des torrents qui peuvent monter de plusieurs mètres en quelques heures. Lorsque l’eau redescend, elle dépose, au bord du lit des cours d’eau, une couche noire plus ou moins épaisse, souvent grasse à souhait. Lorsque la chaleur le permet, par un bel après-midi ensoleillé, je me déshabille et recouvre mon corps de cette crème sombre, parfois du bout des orteils à la pointe de mes cheveux. C’est alors qu’il faut que le vent se calme, car le corps risque de se refroidir rapidement. Puis il suffit d’attendre : la boue sèche progressivement et prend la même couleur grise que les rochers avoisinants avec lesquels je me confonds rapidement. Si quelqu’un arrivait à ce moment et que je restais soigneusement immobile, je gage qu’il ne me verrait pas.

La fine couche d’argile craquelle et je commence, lentement, à la frotter pour m’en débarrasser : d’abord les bras, les jambes, le torse, etc. C’est un plaisir indicible de se sentir libre, en harmonie avec les éléments – la terre de l’argile, le feu du soleil, l’air du zéphyr qui passe et l’eau de la rivière. Le « décapage » prend un long moment et laisse la peau d’une douceur incroyable : c’est un véritable gommage, pour lequel on paierait très cher dans un institut de beauté en ville. Ici, c’est gratuit, et le cadre est imbattable. Je surveille régulièrement l’astre du jour : je sais que je dois avoir terminé avant qu’il ne passe de l’autre côté de la montagne, car je dois encore me rincer à plusieurs reprises dans l’eau du torrent, afin d’éviter que mon sac de couchage ne se tapisse d’argile. Et je veux pouvoir encore me sécher au soleil. Pendant mon bain de boue, le temps s’est arrêté. Ensuite, la vie reprend son cours, à un rythme paisible. Et je m’endors le soir parfaitement heureux.

Se laver les dents
Si vous n’avez pas de brosse à dents, frottez-vous les gencives avec le doigt et rincez-vous la bouche à l’eau salée. Vous pouvez fabriquer une brosse à dents en écrasant l’extrémité d’une branchette, comme on le pratique couramment en Afrique ou en Asie. Le noyer est particulièrement prisé en Afrique du Nord, mais de nombreux bois conviennent. Un bon dentifrice consiste à délayer à la consistance désirée de l’argile très pure avec un peu d’eau, puis d’y ajouter du sel, ainsi que quelques gouttes d’essence de menthe, de thym ou de romarin, et de bien mélanger le tout. Préparez-le avant le départ et emportez ce qu’il vous faut dans un tube de médicaments en plastique ou dans un tube de dentifrice déjà utilisé, que vous remplirez par le fond. Mais ne l’utilisez pas sur une trop longue période, car l’argile risque de rayer l’émail des dents.

SONT INUTILES : le rasoir (laissez donc pousser votre barbe, c’est naturel !), les déodorants, le nécessaire de maquillage, etc.

Se soulager
Effectuez l’opération loin de toute source ou cours d’eau, et loin du campement bien sûr. Creusez un trou dans la mesure du possible ou, en tout cas, recouvrez avec de la terre et des pierres. Lorsque vous avez terminé, nettoyez-vous avec de l’eau, comme on le fait partout dans le monde, de l’Afrique au Japon, en passant par l’Inde, le Vietnam, la Chine et tous les pays arabes. C’est d’ailleurs la seule façon de se nettoyer correctement. Il n’y a guère qu’en Occident que l’on préfère le papier à l’eau. Il est pourtant bien peu efficace dans ce domaine… et pas très décoratif quand il reste sur place ! C’est vraiment ce qui me dérange le plus quand je me promène : trouver çà et là, même dans des endroits sauvages, des restes de papier jonchant le sol me répugne carrément et gâche mon plaisir. C’est peut-être culturel, mais il est tellement facile et préférable de faire autrement. Et puis, c’est
culturel aussi de ne pas oser se laver le derrière avec de l’eau ! Alors emportez une gourde avec vous et tout se passera bien… Ensuite, cela tombe sous le sens, lavez-vous soigneusement les mains au savon après, surtout si vous allez cuisiner. Si vous ne voulez pas franchir le pas, mais acceptez tout de même de ne pas emporter de papier, employez les grandes feuilles douces de la bardane, du bouillon-blanc, de la digitale (pas de danger si vous vous lavez les mains après) ou d’autres plantes (noisetier, tilleul, érable, pétasite, tussilage, etc.), qui conviennent très bien. Attention seulement aux feuilles râpeuses. Évitez l’ortie et la feuille de ronce, vous vous en doutez bien. Des galets arrondis peuvent également faire l’affaire.

Faire la vaisselle
Arrachez une touffe d’herbe au bord d’un ruisseau et servez-vous-en comme d’un « gratton à vaisselle » pour nettoyer vos gamelles. La terre dégraisse, surtout si vous avez fait chauffer un peu d’eau dans la gamelle au préalable, et les petits cailloux frottent efficacement le fond. Les prêles sont idéales pour récurer la vaisselle, car leurs tiges contiennent de la silice qui les rend finement rugueuses. Leur nom anglais est d’ailleurs scouring rush, littéralement, « jonc à récurer ». N’hésitez pas à en emporter un peu avec vous lorsque vous vous trouvez dans un endroit où ils poussent en abondance, ce qui n’est pas le cas partout.

Laver son linge
Vous n’avez pas forcément besoin de savon : utilisez plutôt de la cendre. C’est ainsi que procédaient nos aïeux. La terre et l’eau pure nettoient bien aussi, Si vous employez du savon, faites attention à ne pas souiller le cours d’eau. Le savon de Marseille est de loin préférable aux détergents en poudre, fortement polluants. Votre lessive pourra sécher sur votre sac à dos, pendant la marche, ce qui est à la fois pratique et…décoratif.

La trousse de toilette
Vous n’avez pas besoin de prendre grand-chose avec vous. Les objets suivants vous rendront service :
> Une brosse à dents et du dentifrice naturel.
> Un morceau de savon de Marseille.
> Une petite serviette. Les serviettes en microfibres high-tech sont légères et efficaces. Mais on peut aussi se laisser sécher au soleil…
> Un peigne.